l'îlot de Sidi Abderrahman au Maroc

Situé à quelques mètres de la corniche de Casablanca, l'îlot de Sidi Abderrahman est un rocher qui abrite la koubba d'un marabout du même nom. Les habitants de cette petite île sont principalement des voyantes qui lisent l'avenir dans les lignes de la main ou dans du plomb fondu. Cette communauté singulière vit dans un décor sublime, avec des ruelles blanchies à la chaux et des maisonnettes aux volets peints en bleu, conférant au lieu le charme des villages côtiers.

Sidi abderrahmqne casablanca
Îlot de sidi abdertahmane


Sidi abderrahmane l'île des sorciers.

Pourtant, de près, Sidi Abderrahmane n'est pas un lieu plaisant. Il est insalubre et émane une odeur nauséabonde. L'île est dépourvue d'eau et d'électricité, et des dépouilles d'animaux sacrifiés par des visiteurs riches jonchent les rochers. Quarante familles y vivent, dont la plupart des voyantes ont amassé une fortune au fil des ans. En réalité, elles ne passent que la journée sur l'île pour travailler, puis retournent sur le continent dans leurs maisons confortables. Seules quatre familles vivent dans une extrême pauvreté, se chargeant des corvées de leurs voisins pour survivre, notamment en allant chercher de l'eau à 800 mètres de là sur la terre ferme.


Bientôt, les voyantes de Sidi Abderrahmane disparaitront. La corniche de Casablanca est en effet un immense chantier où se construiront bientôt des hôtels et des résidences de luxe, des restaurants, des boutiques et une marina, avec des investissements massifs des pays du Golfe. Le tombeau du marabout sera préservé, mais les maisonnettes des voyantes seront rasées. Sidi Abderrahmane retrouvera ainsi sa vocation première, celle d'un lieu de pèlerinage.

L'île des femmes

Il existe à Casablanca bien des mystères cachés loin de son centre frénétique, tels que Sidi Abderrahmane, le minuscule promontoire rocheux peint en blanc. Ce petit îlot, situé entre la rive et le large, attire le promeneur de la plage par quelques marches grossières que les vagues viennent polir à marée haute. Lorsque la marée est basse, on peut apercevoir des femmes qui lavent le linge dans un cours d'eau douce qui se déverse dans l'océan.


Cependant, peu de Casablancais s'aventurent sur ce rocher, par superstition : Sidi Abderrahmane, presque déserté par les hommes, abrite des chouwafates (voyantes), des femmes voyantes qui lisent l'avenir dans le plomb fondu et offrent des rituels de fertilité impliquant des fumées d'encens, des sacrifices de coqs noirs et des offrandes de fleurs d'oranger ou de lait à l'océan. Elles préparent ainsi les demandeurs à être frappés des "sept vagues guérisseuses". La croyance en ces pratiques est facultative, mais il est indéniable que cet endroit est imprégné de mysticisme : portant le nom d'un des saints les plus vénérés des Casablancais, guérisseur des anxieux, Sidi Abderrahmane abrite une trentaine de marabouts.

Sur le pont menant à l'île d'Abderrahmane, des hommes et des femmes âgés font de la musique, chantent et tapent des dés en métal sur des assiettes en porcelaine. Autrefois, pour rejoindre l'île, les habitants utilisaient une grosse chambre à air de camion sur laquelle dix personnes pouvaient tenir. Sidi Abderrahmane ressemblait alors au Mont Saint-Michel, un endroit où le temps était rythmé par les marées montantes et descendantes.

Une vieille femme, assise sur une chaise et observant les passants, explique que la construction du pont il y a quelques mois a beaucoup changé les choses. Grâce à cela, l'île attire désormais des visiteurs du monde entier, mais malgré tout, peu s'aventurent sur l'île. Les conditions de vie y sont rudimentaires, sans eau courante ni électricité, et seules dix personnes y vivent à l'année.

Lorsque je visite l'île, une femme me propose de lire l'avenir dans les cartes. Je la suis jusqu'à sa modeste maison de 4m2, où la décoration d'un autre temps règne en maître. La femme explique que l'on vient ici pour se défaire du mauvais sort ou pour guérir de la stérilité. Le rituel comprend une douche dans l'océan, suivi de sept vagues, puis la confection d'un médicament à base de plantes sur un réchaud. Si le rituel est mené à bien, la patiente est embaumée d'encens et les chants incantatoires des femmes de l'île se font entendre.

On raconte que des femmes stériles sont miraculeusement tombées enceintes après être passées par Sidi Abderrahmane, et que d'autres ont trouvé un mari. Malgré les rumeurs de sorcellerie et de magie noire, l'île a une authenticité et un charme particuliers, à deux pas du Morocco Mall, temple de la consommation moderne.

La légende de sidi abderrahmane (Moul lmajmer)

Connaissez-vous l'histoire fascinante de Sidi Abderrahmane ?  Selon la légende, il aurait échappé au naufrage de son bateau sur les côtes voisines de Casablanca et décidé de vivre seul sur ce promontoire, aimant le contact avec la nature et dormant à la belle étoile. Son surnom, "Moul Majmar" (l'homme au brasero), faisait référence à son habitude de se réchauffer à la chaleur d'un brasero.


Malgré la petite taille de l'îlot, la légende raconte que le saint disparaissait parfois pendant de très longues semaines, sans que personne ne puisse le trouver. Certains pèlerins affirment même l'avoir croisé dans des lieux inaccessibles, ce qui a contribué à sa réputation de saint doté de pouvoirs surnaturels.

Après sa mort, le mausolée de Sidi Abderrahmane est devenu un haut lieu de la voyance et de la guérison. Les femmes de la région de Casablanca s'y rendent en pèlerinage pour implorer la bénédiction du saint en espérant trouver des solutions à leurs problèmes d'ordre sentimental, conjugal ou lié à la fécondité. Les voyantes, qui reçoivent les visiteurs, pratiquent des incantations pseudo-magiques, des tirages de cartes et des lectures des lignes de la main.

La réputation de Sidi Abderrahmane a perduré au fil du temps. Il a été sanctifié durant le Protectorat et son îlot est aujourd'hui une attraction touristique incontournable de Casablanca. L'histoire de ce saint est un témoignage fascinant de la culture et des croyances marocaines .